Chromosomes artificiels

Biologie cellulaire
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anneroy
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Chromosomes artificiels

Message par anneroy »

Bonjour, et merci pour votre réponse précédente très complète.

Je souhaitais savoir où en était l'utilisation (la mise au point ?) des chromosomes artificiels de mammifères (MAC). J'ai cherché un peu sur internet, je n'ai pas trouvé d'information claire à ce sujet. Ce n'est peut être pas vraiment votre domaine...mais vous avez sûrement plus de recul sur les avancées de la recherche...
Merci
Anne Roy
-YB-
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Re: Chromosomes artificiels

Message par -YB- »

Bonjour,

Je ne connais vraiment pas ce domaine, et ne peux que vous donner des indications générales. De plus, je n'ai pas trouvé de revue récente en accès libre... Si vous avez accès à une bibliothèque, une bonne base est Ehrhardt & al. (2008) "Episomal Vectors for Gene Therapy" Current Gene Therapy 8:147-161. Je m'inspire largement de cette revue.

Les vecteurs utilisés à visée thérapeutique, comme les adénovirus (à ADN linéaire double brin) ou les AAV (virus associés aux adénovirus, à ADN linéaire simple brin) sont utilisés sous une forme rendue réplication-déficiente, mais posent des problèmes :
- ils ont des capacités limités. Ils ne peuvent prendre en charge que quelques kB (de l'ordre de 5 kB pour les AAV ; on a réussit à repousser cette limite jusqu'à 36 kB pour certains adénovirus), ce qui est souvent insuffisant pour inclure un gène et l'ensemble de ses éléments de régulation en cis.
- les séquences virales résiduelles peuvent être exprimées et induire une réponse immunitaire forte.
- l'expression à long terme constatée lors d'expérimentations animale, nécessaire à un espoir thérapeutique, n'est pas maîtrisée. Les adénovirus ne s'intègrent pas au génome de la cellule transduite, et sont transmis lors de la division cellulaire par des mécanismes inconnus (association physique avec les chromosomes ?). Les AAV "sauvages", en l'absence de leur virus helper, sont capable de s'intégrer à un site reconnu situé sur le chromosome 19, mais ceci nécessite la présence dans l'AAV du gène rep et limite fortement la taille déjà restreinte disponible pour le transgène... Les vecteurs sont donc construits sans ce gène, et les AAV sont alors "transmis" de façon analogue aux adénovirus, selon la très célèbre méthode du "au petit bonheur la chance"... ; dans certains cas, il peut y avoir insertion, mais elle est alors aléatoire, avec les conséquences que l'on imagine.

On a donc cherché à développer des vecteurs à partir d'éléments constitutifs de chromosomes. L'idée sous-jascente est de développer un outils qui ne s'intègre pas au génome (de façon à ne pas modifier son expression) mais qui puisse être transmis sous une forme épisomale (physiquement indépendante des chromosomes, mais ayant les mêmes capacités). Cela pose de nombreux problèmes...
- Pour la réplication, il faut des origines de réplications fonctionnelles. Si elles semblent correspondre à une séquence bien définie chez la levure (séquence ARS = autonomous replicating sequence), ce n'est pas le cas chez les mammifères... chez qui les origines de réplications présentent des caractéristiques structurales communes mais non identiques. L'activation de ces origines inclut vraisemblablement une dimension épigénétique importante...
- pour la transmission, il faut un centromère fonctionnel. Le problème est le même que précédemment...
- pour la conservation, il faut des télomères... Une astuce souvent utilisée consiste à faire un chromosome circulaire, et cela semble marcher !

Deux méthodes de construction de MAC sont utilisées :
- construction à partir de l'assemblage des éléments précédents. Les premiers essais chez l'homme datent de 1997 (Harrington & al, Nature Gen 15:345-355) : les auteurs ont rassemblé dans des cellules en culture de l'ADN satellite alpha (un composant habituel du centromère, obtenu par surexpression), de l'ADN telomérique (issu de PCR) et du DNA génomique ; ils ont obtenu (en se demandant comment...) un HAC (human artificial chromosome) d'environ 10 Mbp. Ce type de manipulation a été reproduit, mais tous les essais actuels donnent des chromosomes instables, avec des risques d'intégrations (sauf lorsqu'on a obtenu des chromosomes circulaires, semble-t-il)
- manipulation (raccourcissement) d'un chromosome existant et obtention d'un minichromosome conservant des télomères raccourcis. Ces chromosomes semblent relativement stables.
En bref, ces manipulations sont lourdes, et pas à la portée d'un laboratoire courant...

Ces outils ont été utilisés pour étudier la biologie des chromosomes, en particulier les régulations à longue distance, ou les phénomènes épigénétiques contrôlant l'établissement du centromère. On a bien sûr tenté de les employer comme vecteur. Mais
- il y a des problèmes d'insertions des séquences voulues compatibles avec leur expression, ce qui n'est pas vraiment réglé.
- pour que cela fonctionne en vecteur, il faut les incorporer dans une cellule... ce qui n'est pas simple. Les articles récents montrent les voies de recherche (cherchez "human artificial chromosome" dans PubMed) : on tente de les faire rentrer dans des cellules souches, l'intérêt étant de différencier ensuite ces cellules souches vers le type cellulaire cherché, et de faire une greffe cellulaire.

Actuellement, c'est donc un domaine en recherche et on semble encore loin des applications réelles.
Verrouillé

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