Greffe de microbiote

Microbiologie, bactériologie
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Frederic Labaune
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Greffe de microbiote

Message par Frederic Labaune »

Bonjour.

Comme beaucoup de monde, j'ai lu le best-seller sur l'intestin...
Beaucoup de choses intéressantes qui finissent par donner envie de manger du prébiotique.
(voire des probiotiques, mais j'ai cru comprendre que certains probiotiques favoriseraient la prise de poids...)

Il est évoqué à un moment l'intérêt de greffer des microbiotes.
Concrètement, à quoi ça peut correspondre ? Comment ça se passe ?
Est-ce encore expérimental ?
Quels bénéfices pouvons-nous en attendre ?
(quelles pathologies ? et si c'est si efficace, pourquoi ça n'est pas fait pour tout le monde...)

En vous remerciant pour votre réponse et votre disponibilité pour le forum.
Fred SVT inside
P.Lapaquette
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Re: Greffe de microbiote

Message par P.Lapaquette »

Bonjour,

effectivement, devant le déferlement médiatique, il est très tentant d'essayer d'entretenir et chouchouter son microbiote intestinal, toutefois les résultats obtenus par l'administration chronique de prébiotiques (nutriments favorisant le développement d'espèces bactériennes jugées favorables) ou probiotiques (bactéries "favorables" administrées vivantes) restent peu convaincants et parfois controversés
Concernant vos questions :

Il est évoqué à un moment l'intérêt de greffer des microbiotes.
Concrètement, à quoi ça peut correspondre ? Comment ça se passe ?


L'idée de la transplantation fécale est d'implanter chez une personne receveuse le microbiote intestinal d'un donneur. En pratique, comme pour une prise de sang, le donneur doit répondre à un important questionnaire et doit faire une analyse de ses selles et sang, afin d'écarter un maximum un risque de contamination du receveur par des pathogènes qui pourraient se trouver chez le donneur. Si le donneur satisfait à ces examens, les selles de celui ci sont récupérés et préparés pour la transplantation. La préparation du transplant (qui est considéré comme un médicament) est réalisée par une pharmacie interne à un hôpital, les selles vont être diluées, homogénéisées puis filtrées (la matière fécale n est pas directement introduite en l'état!). La transplantation peut être immédiate du donneur vers le receveur ou le transplant peut être congelé pour une administration ultérieure. L'administration se fait ensuite soit par voie haute grâce à une sonde naso-duodénale (le transplant va être déposé après l'estomac), soit par voie basse (lavement + coloscopie), soit par l'administration orale de plusieurs gélules contenant le transplant et capables de franchir l'estomac (gastro résistantes). Dans tout les cas, c'est un acte médical se faisant en milieu hospitalier, avec le consentement de toutes les parties.


Est-ce encore expérimental ?

Non, il existe des recommandations européennes et américaines pour l'utilisation de la transplantation fécales chez les personnes faisant des infections récidivantes multiples à la bactérie Clostridium difficile. En effet chez certaines personnes, cette bactérie, capable de sporulée, n'est pas éliminée par des traitements antibiotiques à répétition, il faut alors des thérapies alternatives telles que la transplantation fécale, qui se révèle particulièrement efficace pour cette indication.
La transplantation fécale est donc déjà utilisée en clinique en France pour cette indication. Il existe également de nombreux essais cliniques en cours pour tester son efficacité dans d'autres maladies liées à des dysbioses du microbiote intestinale (maladie de Crohn, Rectocolite hémorragique, diabète, obésité, syndrome de l'intestin irritable)

Quels bénéfices pouvons-nous en attendre ?
(quelles pathologies ? et si c'est si efficace, pourquoi ça n'est pas fait pour tout le monde...)


Si l'on part de l'hypothèse que de nombreuses maladies chez l'Homme (maladies inflammatoires chroniques intestinales comme la maladie de Crohn, Diabète de type 2, obésité, cancer colorectaux, allergies etc...) sont liées à des perturbations du microbiotes intestinales, on peut imaginer que la transplantation fécale pourrait avoir des applications dans la prise en charge de ces différentes pathologies. Toutefois, il faut se méfier que le remède ne soit pas pire que le mal, en effet le microbiote intestinal est une communauté de microorganismes (bactéries, champignons, archées, virus) dont nous commençons juste à apprécier la diversité et la complexité. Il faut donc être sûr que quand on apporte le microbiote d'un donneur à un receveur, celui ne va pas avoir des conséquences négatives pour le receveur. Un microbiote intestinal peut très bien être adapté à un individu, mais avoir des effets négatifs sur un autre individu. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les interactions existantes entre l'Homme et son microbiote afin d'évaluer les conséquences de ces transplantations. On peut également imaginer de créer synthétiquement des microbiotes simplifiés, dont on connaitra les espèces bactériennes présentes, afin de limiter les risques.
Enfin, comme pour tout traitement médical, la transplantation fécale aura vraisemblablement des effets plus ou moins positifs en fonction des receveurs (et de leur génétique), de l'avancée de la maladie traitée, etc... mais les résultats obtenus dans le cadre des infections à Clostridium difficile sont extrêmement encourageants!
Verrouillé

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