immunité

Microbiologie, bactériologie
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Erika Follien
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immunité

Message par Erika Follien »

Bonjour et merci pour votre intervention sur le forum !

Notre microbiote est un ensemble de cellules qui nous sont néanmoins étrangères. Connait-on les mécanismes qui permettent à l'organisme de différencier une bactérie commensale (utile) d'un pathogène (à éliminer) ?
D'autre part, la maladie de Crohn peut-elle être considérée comme une maladie auto-immune ? J'ai lu que cette maladie est reliée à des avortements spontanés. Peut-on corréler cela au fait que l'organisme "apprenne" à tolérer l'embryon pendant la grossesse. Bref, est-ce le même type de mécanisme mis en jeu ?
Veuillez m'excuser pour ces questions plus tournées vers l'immunité que vers l'étude du microbiote...
P.Lapaquette
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Re: immunité

Message par P.Lapaquette »

Bonjour,

pas de soucis pour vos questions, de toute façon le microbiote intestinal est intimement lié à notre immunité, et il existe un dialogue permanent dès notre naissance entre les microorganismes que nous hébergeons et notre système immunitaire.
Concernant vos questions:
Connait-on les mécanismes qui permettent à l'organisme de différencier une bactérie commensale (utile) d'un pathogène (à éliminer) ?
De manière surprenante, les récepteurs de nos cellules chargés de détecter les bactéries reconnaissent des motifs présents à la fois sur les bactéries pathogènes et non pathogènes. Ils vont reconnaitre des éléments très conservés chez les bactéries tels que des composants de leur paroi (LPS), la flagelline (protéine des flagelles bactériens) ou bien encore des acides nucléiques bactériens (ADN). Ce qui va faire la différence entre bactéries commensales et pathogènes, c'est que les bactéries pathogènes vont avoir tendance à se localiser à des endroits où l'on ne trouvera pas de bactéries commensales. Par exemple, certaines bactéries pathogènes, comme Salmonella, Shigella, ou bien encore Listeria vont rentrer à l'intérieur de nos cellules, ce qui pour la cellule est un signal immédiat de danger, puisque les microorganismes non pathogènes ne rentrent pas dans nos cellules. Un autre élément peut être que la bactérie pathogène va se retrouver dans des compartiments de notre organisme qui normalement sont stériles, là où ne se trouve pas de bactéries commensales. Par exemple, c'est le cas de la bactérie Listeria qui peut être capables de franchir de nombreuses barrières biologiques et peut se retrouver au niveau du foie ou du système nerveux central. Les récepteurs détectant la présence de bactéries dans ces organes vont immédiatement induire une forte réponse immunitaire. A l'inverse, au niveau de la lumière intestinale, ou des millions de bactéries sont présentes et doivent être tolérées, ces récepteurs vont soit être moins exprimés, soit pas exprimés du tout sur les cellules donnant sur la lumière intestinale, soit ,s'ils sont présents, induire une réponse de tolérance (au lieu d'une réponse inflammatoire). Enfin certaines bactéries pathogènes secrètent des toxines (par exemple la listeriolysine O de Listeria ou la shiga toxine de certaines souches d'Escherichia coli) qui vont stresser les cellules (voir induire leur mort) ce qui va déclencher une réponse immunitaire.
En résumé, il n'existe pas dans nos cellules des récepteurs spécifiques détectant discriminant les bactéries commensales/pathogènes, mais plus un système de surveillance qui va détecter une présence anormale de bactéries (à l'intérieur des cellules / dans un organe stérile) ou réagir à un stress (mort de cellules, présence d'une toxine).

D'autre part, la maladie de Crohn peut-elle être considérée comme une maladie auto-immune ? J'ai lu que cette maladie est reliée à des avortements spontanés. Peut-on corréler cela au fait que l'organisme "apprenne" à tolérer l'embryon pendant la grossesse. Bref, est-ce le même type de mécanisme mis en jeu ?

C'est quelque chose d'assez controversée. La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique intestinale qui semble avoir plusieurs causes (génétique, microbiote, habitudes alimentaires, habitudes de vie) conduisant à une réponse inflammatoire exacerbée chronique. Une des hypothèses est une rupture de la tolérance (comme évoqué dans le paragraphe précédent) au niveau du tractus gastrointestinal, mais ce qui est à l'origine de cette rupture est assez controversé, il y a sûrement plusieurs causes, et qui peuvent varier en fonction d'un patient à un autre (en effet la maladie de Crohn est une maladie très variable que ce soit dans les zones atteintes, l'âge de survenue et dans la gravité).
Concernant les avortements spontanés chez les femmes atteintes de maladie de Crohn, les maladies autoimmunes sont effectivement un facteur de risque de fausses couches prématurées, toutefois je n'ai trouvé que peu d'informations la dessus. Le fait que ces maladies s'accompagnent d'une inflammation importante, qui a des effets sur des organes à distance, peut sûrement expliquer le risque augmenté de fausses couches. Sans parler d'un rejet de l'embryon, une inflammation forte, chronique est quelque chose de globalement délétère pour un organisme et sûrement un stress supplémentaire dans la mise en place de la gestation.
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