Maladies neurodégénératives

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Frederic Labaune
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Maladies neurodégénératives

Message par Frederic Labaune »

Bonjour.

Pourriez-vous nous donner quelques informations sur les connaissances actuelles et les pistes thérapeutiques envisagées pour "soigner" ces terribles maladies que sont la sclérose en plaque, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer ?
Par ailleurs, y a-t-il une part d'hérédité dans ces maladies ?

Merci beaucoup pour vos réponses éventuelles.
Fred SVT inside
Jean-Michel HUPE
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Re: Maladies neurodégénératives

Message par Jean-Michel HUPE »

Bonjour,
j'ai demandé à un collègue neuropsychologue, qui pourra répondre sur Alzheimer - je posterai sa réponse dès que je l'aurai.
Pour la sclérose en plaque, aucune idée, c'est vraiment très loin de mon domaine. Pour Parkinson et Alzheimer, je peux juste vous donner mon impression générale en tant que neuroscientifique - mais vous trouverez certainement plus d'information pertinente par vous-même en cherchant sur internet ! Voici donc l’état de mes connaissances (ou préjugés) sur le sujet.

Pour Parkinson, il me semble bien établi que la maladie est due à la perte des neurones qui utilisent la dopamine comme neurotransmetteur, et dont les corps cellulaires sont situés dans la « substance noire », dans le tronc cérébral. Le système à dopamine est l’un des systèmes neuromodulateurs du cerveau, qui ont la particularité d’avoir les corps cellulaires des neurones concentrés dans seulement quelques petites régions du cerveau mais de projeter sur l’ensemble du cerveau. Les changements d’activité de ces petites régions peuvent ainsi avoir des conséquences générales, comme passer de la veille au sommeil ou changer le niveau attentionnel. Les autres systèmes utilisent comme neuromédiateurs la sérotonine, la noradrénaline et l’acétylcholine. Beaucoup de drogues ou de « traitements » des maladies psychiques agissent sur ces systèmes. On peut cependant difficilement associer une fonction unique à chacun de ces systèmes, car l’effet de chaque projection dépend des interactions avec les neurones présents au niveau de ces projections, et des fonctions spécifiques de ces régions. Ainsi dans Parkinson il y a par exemple des effets moteurs et cognitifs.
J’ignore s’il existe ou non actuellement des pistes sérieuses ou un consensus quant à l’origine de la mort des neurones dopaminergiques de la substance noire, ainsi que sur les moyens de l’arrêter. Ce n’était pas le cas il y a quelques années, et les traitements classiques cherchent seulement soit à compenser la perte des neurones en « remplaçant » la dopamine (L-DOPA, par exemple), soit en agissant sur les symptômes (les tremblements) par stimulation électrique intracrânienne (ce qui nécessite l’implantation d’une électrode au milieu de cerveau). Je ne crois pas qu’on comprenne le mécanisme exact expliquant l’effet de ces stimulations. Mais il n’est pas forcément besoin de comprendre pour soigner, et c’est heureux, car on est tout de même très très loin de comprendre comment le cerveau fonctionne !

En ce qui concerne Alzheimer et en attendant les commentaires de mon collègue, il me semble qu’on en sait encore moins que pour Parkinson. Quand j’ai fait mes études, certains chercheurs se demandaient s’il s’agissait d’une maladie ou seulement d’un vieillissement accéléré. Malgré les nombreuses « découvertes » sur le sujet je ne suis pas certain que ce questionnement soit entièrement dépassé. Par exemple, les marqueurs d’Alzheimer comme les « plaques amyloïdes », très prometteuses dans les années 90, ne permettent pas actuellement d’expliquer la maladie. Encore récemment, on ne pouvait identifier la maladie d’Alzheimer (par rapport à d’autres démences séniles) que post-mortem. Un des objectifs difficiles des recherches actuelles est je crois d’identifier la maladie de façon sûre et le plus tôt possible. L’objectif n’est malheureusement pas tant thérapeutique (on ne sait pas soigner cette maladie) que de permettre la recherche en identifiant des populations et en observant l’évolution de la maladie. Même sans traitement, cela peut permettre également des stratégies thérapeutiques, de prise en charge ou d’adaptation comportementale. Pour les déficits de mémorisation par exemple, il est possible d’apprendre à utiliser davantage des ressources externes (des post-its !), et ceci avant que d’autres capacités cognitives soient atteintes. Comme on a vu ailleurs, le cerveau a des ressources de plasticité, d’adaptation et de vicariance, et ceci à tout âge. J’imagine que certains des objectifs des thérapeutes peuvent être d’identifier et renforcer les capacités cognitives non atteintes.
Jean-Michel HUPE
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Re: Maladies neurodégénératives

Message par Jean-Michel HUPE »

Comme promis, voici des informations beaucoup plus précises, amicalement fournies par mon collègue du CerCo Emmanuel Barbeau:

"Concernant la maladie d'Alzheimer, l'évolution notable ces dernières années est maintenant la capacité à faire un diagnostic de la présence anormale de protéines amyloïdes du vivant de la personne, soit par ponction lombaire, un examen maintenant relativement banal, soit par PET* amyloïde. Il s'agit d'une révolution dans la mesure où ce diagnostic
peut être fait de plus en plus tôt. On est donc en mesure de travailler sur cette maladie 5, voire 10 ans plus tôt qu'auparavant, bien avant l'entrée dans la démence et la plupart des chercheurs envisagent maintenant d'intervenir sur la maladie à son tout début théorique, vers 50-60 ans disons.

Des espoirs donc mais deux grandes inconnues qui viennent tempérer ceux-ci. Tout d'abord il n'y a actuellement aucun traitement pour cette pathologie. Beaucoup d'essais cliniques sont en cours, mais l'impact de ceux-ci est très difficile à prévoir car la cible n'est pas focale comme dans la maladie de Parkinson, les plaques amyloïdes étant diffuses dans le cerveau. La deuxième inconnue est liée au fait que deux protéines sont en cause dans cette pathologie, la protéine amyloïde sur laquelle des progrès ont été fait et la protéine tau (anormalement phosphorylée dans la MA). La relation précise entre des deux protéines dans la maladie d'Alzheimer est mal comprise et reste discutée. Aussi il est possible que la stratégie consistant à tout focaliser sur l'amyloïde soit erronée ou ne permette qu'un traitement partiel. Certains chercheurs évoquent déjà la nécessité d'une polythérapie qui restera probablement longue à déterminer et qu'il faudra adapter à chaque patient."

*PET: TEP en français, "tomographie par émission de positons", technique d'imagerie cérébrale (nécessite l'injection d'un produit radioactif, ce qui n'est pas le cas de l'IRM)
Jean-Michel HUPE
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Re: Maladies neurodégénératives

Message par Jean-Michel HUPE »

Emmanuel Barbeau a fait également ce commentaire à propos de la maladie de Parkinson :
"L'effet de la stimulation profonde des noyaux sous-thalamiques est généralement spectaculaire, il y a de nombreuses vidéos sur internet le montrant. Du coup, il y a une tendance générale à vouloir essayer la stimulation intracérébrale dans de nombreuses autres pathologies cérébrales, notamment la maladie de Huntington, les TOC, la dépression, la maladie d'Alzheimer, l'épilepsie, etc. Un vaste champ de recherche où il reste tout à faire et certainement quelques désillusions au passage vu le peu de rationnel scientifique derrière. De nombreux problèmes éthiques nous attendent aussi..."
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