Perception du relief

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Erika Follien
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Perception du relief

Message par Erika Follien »

Bonjour,
pour percevoir le relief, il faut une vision binoculaire. On peut le montrer aux élèves si on dispose de microscopes binoculaires. Mais je me rends compte que certains élèves disent "ne pas voir" en relief, même si les 2 images sont parfaitement superposées. Il semble effectivement qu'il faille "chercher" à percevoir ce relief quand on n'en a pas l'habitude. Peut-on expliquer cela au niveau du cerveau ?
D'autre part, si je ferme un yeux, je continue à percevoir le relief ; cela est dû au rapport de dimension des différents éléments du paysage et à leur disposition. Alors, en imaginant qu'on puisse être plongé, avec un oeil fermé, dans un paysage inconnu totalement (comme un élève observant une lame microscopique qui ne "sait pas ce qu'il doit voir"...) on percevrait un environnement en 2D ?

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Jean-Michel HUPE
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Re: Perception du relief

Message par Jean-Michel HUPE »

Bonjour,
Nous évoluons dans un monde en trois dimensions, mais sa projection visuelle sur la rétine est en deux dimensions. Il existe cependant de très nombreux indices dans l’image bidimensionnelle permettant de comprendre la structure tridimensionnelle. Ces indices sont bien connus des peintres : perspective cavalière, ombrages, occlusions, gradients de couleurs, de texture, gradients de vitesse et mouvement relatif, etc… Tout cela participe de notre perception du relief, et peut se faire de façon monoculaire. La vision binoculaire permet d’y ajouter un indice supplémentaire : la différence de projection, ou parallaxe, sur les deux yeux. Les cellules qui sont à des endroits correspondants dans les deux rétines ont des connexions vers les mêmes neurones dans le cortex (je simplifie). Un point qui se trouve à une distance infinie se projette au même endroit des rétines, car la distance entre les deux yeux est proportionnellement très faible. Pour les objets proches, en revanche (jusqu’à quelques mètres), la projection ne se fait pas exactement au même endroit dans la rétine. Cela correspond donc à une distance. Notre système visuel a appris à interpréter cette distance comme un indice de profondeur. On peut en faire l’expérience au cinéma avec les lunettes 3D, ou avec des stéréogrammes. Les stéréogrammes consistent en deux images presque identiques présentées de façon indépendante aux deux yeux. Les stéréogrammes de Julesz sont juste des images de points aléatoires. Il n’y a rien à voir dans chacune des images. Les deux images sont identiques sauf quelques points qui sont déplacés horizontalement de quelques millimètres entre les deux images. En vision binoculaire (indépendante, avec un stéréoscope), ces points sont interprétés par le système visuel comme étant en profondeur.
Mais cette vision stéréoscopique est plus ou moins performante selon les individus. Chez les personnes amblyopes (l’un des yeux a une vision non corrigée), les deux yeux ne travaillent pas ensemble (strabisme, l’œil faible ne suit pas l’autre) et donc l’apprentissage de la parallaxe ne se fait pas. Il doit y avoir une période critique de l’enfance pendant laquelle les circuits neuronaux apprennent la stéréopsie, et donc des personnes adultes avec un passé d’amblyopie même légère peuvent avoir une acuité stéréoscopique faible. Cette acuité se mesure facilement chez l’ophtalmologiste avec des paires d’image avec un objet à découvrir, défini par une distance horizontale variable.

Dans votre exemple du microscope, un déficit de stéréopsie peut rendre la perception de la profondeur difficile. Mais d’autres éléments entrent en jeu : il faut notamment que les deux yeux accommodent (mise au point) à la même distance, ce qui peut être difficile pour les distances très courtes. Le réglage de la distance entre les deux objectifs, et la mise au point indépendante entre eux, sont également des facteurs qui peuvent jouer. Quand on sait ce qu’on doit voir, ces facteurs sont moins critiques (apprentissage d’indices de profondeur spécifiques ?).

Pour revenir à votre expérience de pensée, la réponse est oui, on devrait percevoir un monde entièrement inconnu en 2D (au delà de quelques mètres), à condition que les règles de géométrie visuelle de ce monde n’aient rien à voir avec celles de notre monde – au moins au début, le temps que notre cerveau s’adapte et apprenne les nouvelles règles. Jusqu’à quel degré les anciennes règles pourraient disparaitre et être remplacées est une question empirique. L’anthropologue Colin Turnbull avait rapporté en 1961 une observation marquante sur un jeune pygmée qui l’accompagnait au Congo. L’environnement habituel de celui-ci était constitué de forêts et d’un horizon visuel ne dépassant guère la centaine de mètres. Lorsque Turnbull l’emmène près des montagnes Rwenzori, ce jeune pygmée ne semble pas comprendre ce que sont ces montagnes (« sont-ce des nuages ? ») ; il prend des buffles dans le lointain pour des insectes et s’inquiète de les voir autant grossir lorsqu’ils s’en approchent en voiture ; il ne comprend pas comment autant de personnes peuvent tenir sur un aussi petit bout de bois sur le lac Edward. Cela suggère donc que les pygmées qui ne vivaient qu’en forêt ne savaient pas interpréter les grandes distances. C’est possible mais je ne connais pas d’expérience formelle qui ait confirmées ces observations anecdotiques.
Frederic Labaune
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Re: Perception du relief

Message par Frederic Labaune »

Bonjour.

Juste pour préciser : il est impossible par construction de voir en relief dans un microscope binoculaire. En effet, il n'y a qu'un objectif et qu'un seul chemin optique qui se divise en deux au niveau de la tête binoculaire. Dans chaque oculaire, l'image est identique.
C'est un peu différent pour les loupes binoculaires... qui ont effectivement deux chemins optiques séparés, avec un décalage entre les deux images arrivant aux oculaires (deux points de vue différents)

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