Ce panneau est situé sur l arete SO du Chenaillet, au dessus de la cabane des douaniers. Ici, un gabbro (isotrope) surmonte le manteau serpentinisé. Le panneau indique que l on se trouve au moho de la LO, en se referant au
modèle classique issu de la Penrose conf. en 1972 :
Avec la superposition du manteau peridotitique, des gabbros lités, puis isotropes, le complexe filonien et enfin les laves en coussins.
Ainsi, dans ce modèle, nous avons la superposition de Gb lités sur un
manteau peridotitique comme celui-ci en Oman.
Au Chenaillet, la superposition observée n est pas conforme à ce modèle :
Au Chenaillet, et entre autres au niveau de ce panneau, le manteau est serpentinisé cad tres hydraté et il n y a pas de peridotites. D autre part, il n y a pas non plus de
gabbros lites comme ceux-ci.
Lorsque vous poursuivez l ascension de l arete SO, au dessus des gabbros, pas de complexe filonien, mais directement les laves en coussins. Mieux encore, lorsque vous etes redescendu sur l arete NE jusqu au col du Chenaillet, vous avez trouve des breches de
laves en coussins directement sur le manteau serpentinisé (et traversé de veines de carbonates = ophicalcites) : pas de gabbro, pas de complexe filonien entre les 2.
Pour completer
cette belle superposition peu conforme au schéma ci-dessus, voici ce que vous avez pu voir à l est du lac qui a ete construit pour alimenter les canons à neige dans les prés de Gondrans :
En s approchant de la pente (flanc ouest de l arete NO du Chenaillet), on touche les serpentinites surmontées d une lentille de gabbro (recoupée de qqes filons de basalte).
Au dessus, on trouve à nouveau les serpentinites sur env. 50m d epaisseur, surmontées par les laves en coussins.
Ce schema de mes collègues Lagabrielle et Cannat et la colonne dessinée par Manastchal et al. montrent que les gabbros ne sont pas au dessus du manteau, mais sont à l interieur de celui-ci. Des coulees de laves en coussins peuvent surmonter cet ensemble, mais le manteau serpentinisé a pu constituer le plancher oceanique.
Ces differentes observations montrent que la LO n est pas uniforme.
En simplifiant, on peut distinguer 2 Lithosphères océaniques :
Sur le modèle de gauche (croute hétérogène, le manteau péridotitique vert clair s hydrate au niveau du "moho" = serpentinite : vert sombre.
Il y a quelques décennies de cela, les géophysiciens ont montré l'existence, sous le plancher océanique, de plusieurs discontinuités à faible profondeur (inf. à 10 km). Celles-ci ont été interprétées comme les limites entre les différents niveaux de la croûte océanique (CO), au dessus du Moho. Les propriétés sismiques des différents niveaux séparés par ces discontinuités étaient compatibles avec la superposition observée dans certaines ophiolites comme celles d Oman ou de Troodos à Chypre : sédiments, roches volcaniques, ensemble filonien,
gabbros isotropes et lités au dessus du Moho : cela a donné lieu au schéma de droite sur la fig. ci-dessus (et la 1ere fig. de ma reponse).
Le Moho « géophysique » est observé sous les différents océans. Pourtant, on a constaté que la CO sous l'Atlantique ne correspondait pas à cette superposition, puisque le manteau serpentinisé (hydraté par l'hydrosphère) peut constituer le plancher océanique. C est aussi ce que l on observe dans les ophiolites alpines comme le Chenaillet. C est le schéma de gauche sur la fig. Le gribouillage du panneau, quoique pas tres explicite est exact : le panneau ne se situe pas au moho, mais a la base de n importe quelle lentille de gabbro (lentilles marrons sur la fig.), dans la « CO »
Dans ce cas, quelle est la signification de ce « Moho géophysique » qui ne coïncide donc pas avec le classique « Moho pétrologique » ?
Il se trouve que les serpentinites et les gabbros ont des propriétés géophysiques qui ne sont pas très différentes. On en conclut donc que dans les océans tel que l'Atlantique, le Moho représente le « front de serpentinisation », à quelques km sous le plancher océanique (limite entre le vert clair et vert plus sombre sur la fig.). Ce front de serpentinisation est la limite entre le manteau péridotitique et les serpentinites. (
voir le front de serpentinisation à Lanzo ?)
Ainsi, dans ce cas, la « CO » au dessus du Moho (c'est à dire au-dessus des péridotites) est constituée de serpentinites (=manteau hydraté) contenant quelques poches de gabbros, traversées de rares filons et surmontées parfois de laves en coussin. Ce Moho et cette « CO » ont un statut un peu particulier.
Où est le « Moho » au Chenaillet ? Il n y a pas de peridotites et donc, pas de moho. Le chevauchement de cette portion de la LO ligure s est fait au dessus du « moho », dans la « CO »
Une telle « CO », avec peu de roches magmatiques (gabbros et basaltes), s'explique par une faible production magmatique qui, elle-même, s'explique par une vitesse d'expansion faible.
Pour plus de détails, voir cette page pour comprendre la
relation entre vitesse d expansion et production magmatique.