"Les tribulations de la théorie endosymbiotique"

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MailMan
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"Les tribulations de la théorie endosymbiotique"

Message par MailMan »

Bonjour et merci d'avance (on ne peut pas répondre à vos commentaires) pour vos interventions.

Nous et nos élèves avons tendance à développer une vision scientiste, instrumentale, méthodique... de la science et oublions lorsque nous racontons une histoire de science que ce sont aussi, en plus des instruments et de la méthode, des humains avec leurs défauts humains qui font la science. Aussi dans le numéro d'octobre de La Recherche vous écrivez un article très intéressant sur une histoire de science : "Gloire et disgrâce de la théorie endosymbiotique". Vous concluez en disant, entres autres, que "Les tribulations de la théorie endosymbiotique nous rappellent que nous voyons le monde par le biais d'instruments et de méthodes qui façonnent notre jugement.".
Vous ne traitez pas de l'aspect humain dans les tribulations de cette théorie, pourquoi ?

En plus du caractère instrumental dans l'avènement de cette théorie, pourquoi ne pas avoir mentionné également le facteur humain à l'oeuvre dans la science en disant que Lynn Margulis s'était vu refuser de nombreuses fois la publication de son article ?
Toujours dans cette "vision humaine" des histoires de science : Lynn Margulis comme Darwin (et Galilée avant eux) ont eu plus de visibilité dans la communauté scientifique grâce à leur ouvrage écrit plus tard pour le grand public qu'avec leur article scientifique. Là aussi le facteur humain me semble venir adoucir l'idée d'une "vision du monde par le biais d'instruments et de méthodes", non ?
Marc-André SELOSSE
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Enregistré le : 03 juil. 2012, 12:34

Re: "Les tribulations de la théorie endosymbiotique"

Message par Marc-André SELOSSE »

Cher ami,

vous parlez d'or. N'hésitez pas à me répondre en privé et je pourrais transmettre la réponse si le débat semble intéressant pour autrui.

Ma conclusion n'était pas globalisante : j'affirme volontiers que ce que j'ai dit est important (rôle des instruments, renversement de point de vue où une théorie revient en grâce), mais certes ce n'est pas là toute l'histoire. La science, malgré sa volonté de rigueur et de méthode, reste une construction humaine, et j'ai plusieurs heures d'anecdotes issues de ma carrière scientifique à raconter pour illustrer que ce que vous écrivez.

Lynn est une belle personnalité que j'estime énormément mais - ne vous méprenez pas sur ce qui va suivre, je ne renie pas son influence, à commencer sur moi - ses articles ont un style flamboyant et des conclusions inspirés mais souvent peu étayées, ou pas toujours avec la meilleure méthode. Elle a en effet, bien plus que Darwin, grandement gagné en se lançant dans un texte de vulgarisation de haut niveau où cet aspect méthodologique était plus masqué (Margulis L. (1970). origin of Eukaryotic Cells. Yale University Press, New Haven). Donc le refus de ses travaux n'est pas que le produit d'une réticence de ses pairs à changer de paradigme, il est aussi le fait d'un style peu orthodoxe. Une fois encore, aucun jugement de ma part : c'est le pendant d'un côté visionnaire et artistique (voyez la rubrique 'controverses' sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Lynn_Margulis);

Vous avez raison, la science est une construction humaine et de luttes de pouvoir. Le format assez court de l'article commandé ne me permettait pas de souligner cela assez (voyez cependant l'épisode des pasteuriens contre Paul Portier qui illustre cela). J'ai plus détaillé des aspects 'plus humains' dans un texte paru plus tôt cette année (Symbiose et mutualisme versus évolution : de la guerre à la paix ? Atala 15: 35-49); je vous recommande aussi Sapp J. (1994). Evolution by association. oxford University Press, New York.

Et si vous aimez les controverses sur ce sujet, guettez un prochain Sciences & Vie qui parlera de coopération et rapportera les débats actuels.

Très cordialement, Marc-André
Verrouillé

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