Des liens entre histoire des sciences et apprentissages ?

Histoire des sciences
Verrouillé
MailMan
Messages : 265
Enregistré le : 02 juin 2010, 19:32

Des liens entre histoire des sciences et apprentissages ?

Message par MailMan »

Bonjour,

pensez vous qu'il existe un lien clairement exploitable devant un public entre la manière dont se construisent les savoirs scientifiques et la manière dont nous pourrions faire se construire les savoirs chez des élèves ?

J'ai souvent cru apercevoir une analogie entre ces deux choses sans pour autant comprendre la logique qui pouvait bien unir les deux... Pourriez-vous me dire s'il existe bien une analogie et, si oui, quel lien logique peut bien unir les deux ?

Par exemple, les problèmes et "obstacles épitémologiques" se posent apparamment de façon étonnamment analogue entre les élèves et ce que je connais de l'histoire des sciences. Mais je suis bien conscient de ne voir que je peux et veux bien voir...

Désolé du flou de cette question et encore une fois, merci beaucoup de vos réponses.
Laurent LOISON
Messages : 13
Enregistré le : 30 août 2011, 16:32

Re: Des liens entre histoire des sciences et apprentissages

Message par Laurent LOISON »

Bonjour,

Le principal théoricien de l'analogie entre développement personnel et développement historique fut le philosophe des sciences français Gaston Bachelard. C'est dans son ouvrage le plus célèbre, La formation de l'esprit scientifique (1938), qu'il propose la notion d'obstacle épistémologique comme élément commun à ces deux processus : la pensée, pour parvenir à un meilleur niveau d'objectivation du réel, doit surmonter des obstacles internes au processus de pensée lui-même. Ces obstacles sont les mêmes au cours de l'histoire des sciences et au cours de la formation personnelle.
Pour autant, Bachelard n'en conclut pas qu'il faille développer une pédagogie sur le modèle de l'histoire, tout au contraire. Pour lui, la dernière synthèse des connaissances est toujours le point à partir duquel doit être construit l'enseignement. Rappelons ici qu'il était lui-même enseignant de sciences physiques et que donc sa manière de voir les choses était construite en rapport avec cette science particulière et avec son expérience propre. Comme je l'indiquais dans une précédente réponse, l'utilisation de l'histoire des sciences dans l'acte d'enseignement lui-même ne pourrait fonctionner que de manière très ponctuelle, et variable en fonction des connaissances que vous avez à transmettre. Encore faut-il s'entendre sur le sens de ce que l'on appelle histoire des sciences :

- l'histoire des sciences telle qu'elle est convoquée dans le programme de 1ereS en géologie n'est pas de l'histoire des sciences. En fait, on prend ce prétexte pour découper la théorie actuelle de la tectonique des plaques, et pour enseigner chaque morceau indépendamment en lui assignant une date dans la chronologie historique. Ce faisant, l'histoire n'a aucune utilité, son utilisation est factice. Enlever les dates, votre manière de donner la connaissance reste la même.

- lorsque l'on fait appel à une "expérience historique", la plupart du temps, on ne fait pas de l'histoire des sciences non plus. Par exemple, l'expérience du foie lavé de Claude Bernard, telle qu'elle est intégrée dans les manuels, donne en fait les clés d'un point actuel de la connaissance de la physiologie de la glycémie. Là aussi, l'histoire est un prétexte pour construire une partie du schéma de pensée moderne. Ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi - et après tout, ça ne fait pas de mal aux élèves d'apprendre quelques noms et quelques dates. Simplement, quand on fait cela, on ne fait pas de l'histoire des sciences.

- faire de l'histoire des sciences, y compris avec des élèves du secondaire, c'est accepter de quitter la rationalité du XXIe siècle pour tenter de comprendre celle des époques du passé, qui ont permis la construction de certaines formes de connaissance. Cela demande beaucoup de travail de la part du professeur, une solide formation, et beaucoup de temps pour être mis en oeuvre. A mon sens, cela ne serait envisageable et éventuellement bénéfique que pour une thématique, celle de la théorie de l'évolution. Sur ce point, voyez par exemple : http://acces.inrp.fr/acces/societe/prob ... -inrp-lyon

Encore une fois, de mon point de vue, l'histoire des sciences pourrait d'abord être profitable aux enseignants, même si son usage didactique en classe est très restreint.

Laurent Loison.
Verrouillé

Retourner vers « L LOISON (2011) »