PISA

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tony
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PISA

Message par tony »

Bonjour,
Que pensez-vous des résultats PISA de l'OCDE notamment en sciences? Les chercheurs en "sciences de l'éducation" en tiennent-ils compte?
Les autres pays de l'OCDE (la Finlande la Corée du Sud) ont-ils la même approche que nous, en "sciences de l'éducation"?
Merci.
Anthony Saphon
Yann LHOSTE
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Re: PISA

Message par Yann LHOSTE »

C’est l’enquête PISA (Programme for International Student Assesment) 2006 qui a mis sous observation les compétences en sciences. L’analyse complète des résultats (OCDE, 2007) est disponible librement en français sur internet : http://www.oecd.org/document/5/0,3746,e ... _1,00.html
Même si le principe d’une comparaison des systèmes éducatifs internationaux peut, dans son principe, donner lieu des critiques d’ordre idéologique et qu’une focalisation sur le seul classement final (le hit parade) n’a que peu d’intérêt, des auteurs comme Baudelot et Establet (les auteurs de l’École capitaliste en France, difficilement soupçonnable d’être des néolibéraux extrémistes) précisent que la richesse des enquêtes PISA « réside dans le détail des tableaux, les écarts qu’ils manifestent et les inflexions de leurs courbes, non dans les notes globales qu’elles délivrent ».
Les résultats intéressants sont donc les grandes tendances que permettent de mettre à jour PISA et de pouvoir inférer des pistes d’explication à ces tendances en faisant jouer les comparaisons par rapport aux modes d’organisation des systèmes éducatifs et des valeurs qui les sous-tendent dans les différents pays participants.
À titre d’exemple d’analyse, les enquêtes montrent que les pays qui obtiennent les meilleurs scores aux enquêtes PISA sont ceux qui réussit à se doter d’un tronc commun assurant une formation élevée à tous les élèves de 15 ans et moins. En effet, les résultats montrent une corrélation étroite entre l’élévation du niveau des moins bons élèves et l’augmentation du niveau des très bons élèves, ce qui peut sembler a priori contre intuitif.
Ainsi ce n’est pas en tirant par le haut que l’on augmente le nombre et le niveaux des très bons élèves, mais bien en faisant en sorte que le niveau des moins bons élèves monte et que leur nombre diminue qui permet globalement d’avoir des meilleurs élèves aussi bien en termes de niveau que de nombre : le destin de l’élite et de la masse sont en réalité étroitement liés. Ainsi « une des conditions fondamentales pour dégager des élites brillantes et nombreuses est de combattre avec la dernière énergie l’échec scolaire » ce qui permet à Baudelot et Establet de conclure que pour une fois « l’équité et l’efficacité marchent main dans la main » (2009, p. 41).
Ainsi par rapport à l’école française, les résultats des enquêtes PISA indiquent que la principale difficulté du système éducatif français se situe à la base du système : « la France n’a pas su se doter d’un véritable tronc commun assurant une formation élevée au plus mauvais élève sortant du plus mauvais de nos collèges. Elle s’accommode d’un modèle qui produit de vastes bataillons d’élèves en échec et une élite trop rare. Comme l’ont noté plusieurs observateurs, l’école française est l’une des meilleurs du monde… pour une petite moitié de ses élèves, et l’une des plus mauvaise pour l’autre moitié. La France est ainsi le pays du grand écart : si ses élites scolaires font jeu égal avec l’excellence internationale, 40% de ses effectifs se situent dans les profondeurs du classement » (Baudelot & Establet, 2009, p. 14) et de conclure : « le niveau monte, mais les écarts se creusent » (ibid., p. 30).
Pour rentrer un peu plus dans les détails : Les résultats des élèves français (15 ans) sont supérieurs à la moyenne quand il « s’agit de prélever des informations dans des supports habituellement utilisés dans l’enseignement scientifique, mais inférieurs lorsqu’il faut mobiliser des connaissances pour expliquer des phénomènes de manière scientifique dans des situations de la vie courante non évoquées en classe » (Baudelot & Establet, 2009, p. 26). Ainsi les enquêtes PISA témoignent de l’attachement national à une pédagogie centrée sur la transmission des savoirs plus que sur le faire apprendre tous les élèves.
Les résultats de ces enquêtes sont bien entendu prises en compte et ont même parfois été devancés par les chercheurs en sciences de l’éducation et en didactique des SVT à travers, pour le dire vite deux séries de questions :
- comment assurer une véritable formation professionnelle des enseignants qui permettent une centration sur le faire apprendre plus que sur l’enseigner (tous les profs enseignent et la plupart du temps, ils enseignent des contenus pertinents, mais cela n’a pas pour conséquence automatique que tous les élèves apprennent) ?
- comment permettre à tous les élèves de construire des connaissances scientifiques qui peuvent avoir du sens en dehors du cadre strictement scolaire ?

Pour ce qui concerne les travaux en didactique des SVT, c’est sur cette dernière question que beaucoup de travaux sont conduits. La critique du propositionnalisme et du dogmatisme des savoirs scolaires et ainsi déjà ancienne dans les travaux conduits dans le champ de la didactique des SVT (Astolfi et al., 1978 ; Rumelhard, 1979).
D’autres courants de recherche, d’origine anglosaxonne, comme celui des PUS (Public Understanding of Science) ou plus récent de PUR (Public Understanding of Research) développent également des travaux autour de l’alphabétisation scientifique (ou littéracie scientifique) ou sur comment aider le public (et donc les élèves) à comprendre les processus de la recherche.
Pour une synthèse sur ces différents courants de recherche, je vous renvoie à un article récent que nous avons écrit avec Yves Girault, professeur des université au Muséum national d’Histoire naturelle dans le premier numéro de la nouvelle revue de didactique des sciences : Recherches en didactique des sciences et des technologies : "Opinions et savoirs : positionnements épistémologiques et questions didactiques" (Girault & Lhoste, 2010).

Bibliographie
Astolfi J.-P., Giordan A., Gohau G., Host V., Martinand J.-L., Rumelhard G. & Zadounaiski G. (1978). Quelle éducation scientifique pour quelle société? Paris : PUF.
Baudelot C. & Establet R. (2009). L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales. Éd. du Seuil.
Girault Y. & Lhoste Y. (2010). Opinions et savoirs : positionnements épistémologiques et questions didactiques. Recherches en didactique des sciences et des technologie, n°1, p. 29-66.
OCDE (2007). PISA 2006. Les compétences en sciences, un atout pour réussir. Volume 1 – Analyse des résultats. Disponible sur Internet.
Rumelhard G. (1979). Le processus de dogmatisation. Compte rendu des premières journées internationales sur l’enseignement scientifique et techniques (JIES), Chamonix.
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