Définition de l'espèce en classe de 6ème et évolution en 3èm

Forum en lecture seule.
Verrouillé
drigues
Messages : 1
Enregistré le : 31 mars 2010, 21:49
Lieu de travail ou de résidence : porto-vecchio

Définition de l'espèce en classe de 6ème et évolution en 3èm

Message par drigues »

Bonjour,
merci pour ces réponses pertinentes qui nous aident dans notre enseignement des SVT!

J'ai deux questions concernant l'enseignement des SVT au collège:

-J'ai abordé cette année en 6ème cette nouvelle définition de l'espèce: des organismes vivants qui évoluent conjointement sur le plan héréditaire.
Pour évoquer cette notion d'espèce, nous avons utilisé 2 familles de chiens. Les descendants de chaque famille ressemblent plus à leurs parents; ces descendants peuvent eux-mêmes se reproduire...L'espèce n'est donc plus considérée comme immuable.
Pensez-vous que cette nouvelle définition de l'espèce est une manière intuitive d'aborder la notion d'évolution?

-En 3ème, dans la partie "Evolution des organismes vivants et histoire de la Terre" en étudiant les fossiles dans les roches sédimentaires, la comparaison des espèces qui constituent ces groupes conduit à imaginer entre elles une parenté qui s'explique par l'évolution. La durée et la mesure des temps géologiques étant très arbitraire pour des élèves de 3ème, cette notion semble s'imposer sans aucune déduction; cette partie du programme est difficile à faire passer pour des élèves de 3ème. Qu'en pensez-vous?

merci pour votre réponse.

M. DRIGUES enseignant au collège PV2 de Porto-Vecchio (Corse-du-Sud)
Corinne FORTIN
Messages : 12
Enregistré le : 17 juin 2010, 15:52

Re: Définition de l'espèce en classe de 6ème et évolution en

Message par Corinne FORTIN »

On recense, aujourd’hui, une vingtaine de définitions de l’espèce. Vue de l’extérieur, on pourrait en conclure que la multiplication des définitions traduit un affaiblissement du concept d’espèce puisque les scientifiques n’arrivent pas, a priori, se mettre d’accord. En réalité, chacune d’entre elles dépend d’un cadre d’étude précis. Ainsi pour le paléontologue, le généticien, le phylogénéticien, l’écologue etc ; chacun à "sa" définition de l’espèce en fonction de sa problématique de recherche. La définition de l’espèce est, par conséquent, nécessairement contextualisée, c’est aussi la raison pour laquelle elle n’est pas figée et que le concept d’espèce n’est pas chosifié.

La définition de l’espèce dans le programme de 6ème : "des organismes vivants qui évoluent conjointement sur le plan héréditaire" me semble indiquer qu’il ne faut s’en tenir au seul le critère d’interfécondité, car c’est oublier tous les organismes qui ne sont pas à reproduction sexuée. En évoquant, une évolution conjointe sur le plan héréditaire, chaque organisme peut "intégrer" la définition indépendamment de son mode de reproduction.

Il n’en demeure pas moins que nous ne pouvons observer directement une espèce, mais seulement des groupes d’individus ou populations. Le problème de l’enseignant n’est donc pas de transmettre une définition "formelle ou académique" de l’espèce, mais de disposer de critères qui soient scientifiquement justes et scientifiquement opératoires auprès des élèves. Le problème didactique est alors comment enseigner aux élèves à reconnaître et à distinguer une espèce d’une autre ? Il y a là aussi nécessité à contextualiser la définition de l’espèce en fonction du problème posé.
Si l’on étudie l’exemple des chiens domestiques, la caractérisation de l’espèce se fera sur le critère d’interfécondité et d’isolement génétique. C’est donc la définition biologique de l’espèce (Mayr 1942). En revanche, si l’on étudie un arbre phylogénétique, avec des espèces actuelles et fossiles, l’espèce sera inscrite dans une "lignée" avec des ancêtres et des descendants. Et ce sera une définition "évolutive" de l'espèce. La définition proposée en classe de 6ème croise, à mon sens, permet de croiser à la fois la dimension spatiale (biologique) et temporelle (phylogénétique) de l’espèce.

Concernant la partie du programme de 3ème "Les roches sédimentaires, archives géologiques, montrent que, depuis plus de trois milliards d’années, des groupes d'organismes vivants sont apparus, se sont développés, ont régressé, et ont pu disparaître. Les espèces qui constituent ces groupes apparaissent et disparaissent au cours des temps géologiques. Leur comparaison conduit à imaginer entre elles une parenté, qui s’explique par l’évolution".
Pour ma part, je retiens "conduit à imaginer entre elles une parenté". C’est-à-dire que la parenté ne s’impose pas comme une évidence ; elle est d’abord une hypothèse de travail : si une espèce peut donner naissance à une nouvelle espèce, celle-ci doit :
- d'une part, posséder des attributs hérités de l’espèce-souche
- d'autre part, présenter de nouveaux attributs qui la distinguent de l’espèce-souche ("Une espèce nouvelle présente des caractères ancestraux et aussi des caractères nouveaux par rapport à une espèce antérieure dont elle serait issue").

Si la comparaison des données (ici anatomiques) permet de construire un partage d’attributs chez différentes espèces, alors l’hypothèse d’un lien de parenté entre une espèce-souche et des espèces-filles tient la route. Quant à l’explication : comment expliquer le partage de certains attributs et l’acquisition de nouveau ? L’hérédité, la mutation et la sélection ("L’apparition de caractères nouveaux au cours des générations suggère des modifications de l’information génétique : ce sont les mutations").

Mais, finalement, ce qui est au cœur de cette partie, ce n’est pas tant l’observation et la déduction issue de la comparaison des données fossiles et actuelles, mais bien davantage une première modélisation de l’histoire du vivant. C’est sans doute là, la difficulté majeure. Car ici le processus de modélisation, nécessite un raisonnement abductif, c’est-à-dire un raisonnement où l’inférence logique est établie en termes de causes possibles ou hautement probables. Ce raisonnement est lié à l'historicité des objets étudiés : les espèces. Il n’y a donc pas, à proprement parler, de lois de la transformation ou de l’extinction des espèces, mais des causes à la fois singulières (ex : impact météoritique) et permanentes (mutation, sélection, etc).

Très cordialement
Corinne
Verrouillé

Retourner vers « C FORTIN (2010) »