La difficulté d'enseigner l'évolution

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marie-claude segui
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La difficulté d'enseigner l'évolution

Message par marie-claude segui »

Bonjour,

Si je m'appuie sur mon expérience personnelle, le cours sur l'évolution en TS est l'un de ceux qui m'a demandé le plus d'attention et que j'ai le plus remanié... Il est tellement facile de faire des raccourcis "vertigineux"...

Et je constate que les élèves ont des difficultés (dans le temps imparti) à appréhender et restituer parfaitement certaines notions (le "pari" de l'homologie, la sélection naturelle...)

Ne peut-on pas avoir la crainte de voir ces difficultés augmenter en 2de et de laisser dans leur esprit des schémas érronés?

Merci pour la clarté de vos réponses.
Corinne FORTIN
Messages : 12
Enregistré le : 17 juin 2010, 15:52

Re: La difficulté d'enseigner l'évolution

Message par Corinne FORTIN »

Bonjour

Si l'on compare le nouveau programme de 2de avec l'ancien, il me semble que le nouveau adopte une position moins rigide que le précédent.

Dans l'ancien programme, la démarche pour justifier de la parenté était fondée sur les similitudes de l'organisation du vivant au niveau cellulaire,anatomique, génétique. En vertu du partage des similitudes chez les différentes espèces, l'idée d'une origine commune était prononcée comme une évidence.
Bien évidemment, pour les enseignants informés sur les contenus de la biologie de l'évolution, le partage de similitudes aux différentes échelles du vivant est effectivement un argument majeur d'une origine commune, mais un argument "rétrospectif".
Rétrospectif, au sens que c'est notre connaissance actuelle des résultats expérimentaux de l'action des mécanismes évolutifs qui nous permet de dire, aujourd'hui, qu'effectivement le partage des similitudes est un argument probatoire de la parenté.

Pour les élèves,le fait de partager autant de similitudes n'est pas nécessairement compris comme un argument en faveur d'une origine commune.
Je reprends,ici, la phrase citée par un élève : C’est comme le singe et l’homme, même s’ils ont un développement semblable, avec les mêmes organes, les mêmes membres, etc., c’est tous les deux des mammifères, alors ils se développent pareil. Ca ne veut pas dire qu’ils ont un ancêtre commun. Le singe, c’est le singe, l’homme c’est l’homme. » (Term.S).
L'obstacle qu'il rencontre n'est pas d'ordre pédagogique, mais bien épistémologique, c'est-à-dire intimement lié à la construction du savoir scientifique.Un retour à l'histoire des sciences, nous rappelle que Cuvier et les fixistes utilisaient ce même argument du partage des similitudes pour justifier de la fixité des espèces. Selon eux, il existait certes des variations (anatomiques et embryologiques) mais toujours sur un thème anatomique ou embryologique invariant (le plan d'organisation).

Il me semble que l'argument du partage des similitudes relève d'une nécessité pédagogique à "montrer" , autant que faire se peut, l'évolution aux élèves. Mais, cette "monstration" des similitudes n'a pas de valeur démonstrative. Elle laisse les élèves dans une certaine expectative de deux lectures possibles : la similitude comme exemple
- de la stabilité des phyla (Mammifères, Oiseaux, etc.) et de la fixité espèces
- d'un "héritage" d'une origine commune et donc d'une parenté.

L'intérêt du nouveau programme de 2de est de s'appuyer à la fois sur la description et l'explication de l'histoire du vivant :
- description via la biodiversité passé et actuelle
- explication via les mécanismes de sélection naturelle et de dérive génétique.

La dimension expérimentale de sélection (et de la dérive) permet aux élèves d'appréhender ce qui est au coeur même de l'évolution : la transformation des populations (voire celles des espèces) comme une réalité et non pas comme une spéculation.
Bien sûr, les difficultés épistémologiques rencontrées par les élèves ne seront pas gommées , de facto, par la présentation des mécanismes évolutifs. Mais, les schémas mentaux erronés qu'ils ont, en particulier, sur la sélection naturelle (ex : la loi du plus fort, la lutte pour la survie, etc.) pourront à cette occasion être rectifiés. Les élèves disposant de quelques éléments explicatifs (et pas seulement descriptifs) seront, plus à même, du moins faut-il l'espérer, dès la classe de 2de, d'avoir un premier regard critique sur le discours créationniste.

Cordialement
Corinne fortin
Verrouillé

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