Evolution et enseignement

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marie-claude segui
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Evolution et enseignement

Message par marie-claude segui »

Bonjour,

Ma question est d'ordre général:

Il est clair que l'enseignement actuel de l'évolution au collège et au lycée, à tous les niveaux, de manière "spiralaire", est une décision forte pour combattre toutes les idées créationnistes...
Cet enseignement avait déjà pris de l'importance depuis une dizaine d'années environ.

Cela at-il permis aux idées d'évoluer?
Peut-on faire un premier bilan?
En a-t-on les moyens?

Merci d'être présente sur ce forum.
Corinne FORTIN
Messages : 12
Enregistré le : 17 juin 2010, 15:52

Re: Evolution et enseignement

Message par Corinne FORTIN »

Vous avez raison, depuis une dizaine d'années, l'enseignement de l'évolution s'est fortement renouvelé. D'une part, en offrant un enseignement qui "colle" à l'actualité scientifique, en particulier concernant la classification phylogénétique ; d'autre part, en présentant, dès le collège, des données scientifiques opposables au créationnisme.
Pour autant, avons-nous aujourd'hui des retombées objectives de l'impact de cette rénovation de l'enseignement de l'évolution auprès des élèves?

Une enquête de l'Université d'Orsay a été menée, à l'initiative de D. Vienne et P. Capy, pendant 3 ans (2005-2008) sur 1134 étudiants (titulaires d'un bac S) en première année d'université en sciences de la vie. L'objectif était de faire un état des lieux avant d'aborder un cours portant sur la biodiversité et l'évolution.
Au terme de l'enquête, il est apparu que pour 32% des étudiants interrogés : "l'évolution n'est qu'une hypothèse et non un fait établi".
Que conclure de ce résultat ? Déjà, se rassurer, puisque 68% des étudiants reconnaissent la validité scientifique de l'évolution. Quant aux 32%,il vrai qu'un pourcentage aussi élevé pose question. Qu'est-ce qui fait obstacle à l'acceptation de l'évolution ?

Je crois qu'il faut, en la circonstance, être prudent. On serait tenter de considérer que les 32% représentent le noyau dur
- des sceptiques ou même des "créationnistes"
- de ceux qui n'ont pas compris (où n'ont pas cherché à comprendre) l'enseignement qu'ils ont reçu
- de ceux qui, pour raisons diverses, n'ont pas suivi un enseignement cohérent de l'évolution
Il se peut aussi que ces 32% représentent une combinaison des trois cas de figure.

A la lumière des travaux en didactique de l'évolution, une analyse plus fine renseigne sur la nature des résistances des élèves. J'en retiendrais 3 majeures:

- la première, va de soi, elle concerne l'opposition créationniste. Il s'agit d'une croyance en un monde vivant créé une fois pour toute, où seule l'extinction des espèces est possible.

- la seconde relève d'une confusion entre le sens commun de théorie (ou hypothèse) et la signification épistémologique de théorie scientifique comme modèle explicatif soumis à vérifications (voir question 1)

- la troisième, plus complexe que les deux précédentes, est une exigence intelligibilité. C'est d'ailleurs la plus intéressante du point de vue pédagogique. Autrement dit, l'élève n'est pas convaincu par l'enseignement, et exige des garanties sur le contenu enseigné.
Pour mieux me faire comprendre, je vous livre un exemple (issu d'une de mes enquêtes) qui illustre la situation. Après un cours sur l'homologie, un élève écrit dans sur sa copie :"C’est normal qu’il y ait des structures homologues chez les vertébrés, car tous les vertébrés se développent pareil ; ça ne prouve pas qu’ils sont parents. C’est comme le singe et l’homme, même s’ils ont un développement semblable, avec les mêmes organes, les mêmes membres, etc., c’est tous les deux des mammifères, alors ils se développent pareil. Ca ne veut pas dire qu’ils ont un ancêtre commun. Le singe, c’est le singe, l’homme c’est l’homme. » (Term.S).
Après discussion avec cet élève, il est apparu qu'il n'avait aucune revendication créationniste. Tout simplement, il disait ne pas avoir été convaincu par l'enseignement. Plus précisément, il ne comprenait pas pourquoi s'appuyer sur l'invariance du plan d'organisation des Vertébrés pour démontrer l'évolution, c'est-à-dire la transformation des espèces. Cela lui semblait paradoxal. D'où sa réserve quant à réalité de l'évolution, puisqu'il considérait qu'elle ne lui avait pas été démontrée.
On peut balayer sa critique, et conclure qu'il n'a pas compris (ce qui peut aussi être le cas). Mais on peut aussi la prendre en compte, et se demander si l'enseignement des résultats de la biologie de l'évolution suffit à répondre aux interrogations des élèves. Par effet miroir, on peut alors s'interroger sur les 68% pour qui l'évolution est une réalité.
Qu'est-ce qui se cache dans ce verdict statistique ? Tous ont-ils compris les fondements scientifiques de l'évolution ? Ou bien s'agit-il d'une conviction personnelle, d'une réception passive à l'enseignement, ou réellement d'une compréhension critique de l'évolution ? La question reste ouverte.

Pour conclure, les résultats des enquêtes sont des indicateurs. L’enquête de l’Université d’Orsay a le mérite de montrer que, globalement, l’évolution est relativement bien admise, et que l'Ecole a réussi sa mission, même s’il existe des poches de résistance.
Ensuite, ce sont les travaux en didactique qui mettent en évidence que la dichotomie certitude/hypothèse vis-à-vis de l’évolution est plus complexe qu’il n’y paraît. Mais, seule la connaissance des représentations des élèves sur l’évolution permet d'analyser les arguments qui fondent pour les uns la certitude de l'évolution, et pour les autres son caractère hypothétique.
Verrouillé

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